ART NOUVEAU

L’Art Nouveau est un des mouvements les plus courts et en même temps des plus créatifs et productifs de l’histoire de l’art. Les réalisations les plus marquantes s’échelonnent sur une dizaine d’années, de 1893 à 1905 environ.
Comme tout mouvement artistique significatif, l’Art Nouveau est né d’une nécessité, même d’une urgence de continuellement s’interroger et de se redéfinir en tant qu’être humain, face et dans le continuel et incessant flux des changements et bouleversements de l’histoire.
La révolution la plus marquante du 19ème siècle est sans doute l’Industrialisation. La technologie, le rationalisme, le cartésianisme, des termes qui concordent mal avec liberté et créativité artistique, et pourtant, L’Art Nouveau peut être considéré comme la première tentative significative de vouloir concilier aspiration artistique et les nouveaux phénomènes de l’ère Industrielle, contrairement à d’autres mouvements, qui face à cette époque d’effondrement d’anciennes valeurs se réfugièrent derrière des idéaux immatériels et métaphysiques. La volonté affirmée de l’Art Nouveau était de briser avec les styles historiques, de trouver une identité radicalement neuve, en unisson avec les avancées technologiques. L’Art Nouveau en tant qu’art appliqué, manifestait sa volonté de conférer aux objets fonctionnels une dimension esthétique et spirituelle, et surtout, d’abolir la traditionnelle séparation entre structure et ornement, pour conférer à l’objet une conception unitaire.
La courte durée créative de l’Art Nouveau peut être expliquée par la force avec laquelle ce mouvement s’était imposé sur la scène culturelle. Une telle accumulation d’énergie créatrice laissait peux de temps à la réflexion et à l’unification des idées pour consolider les fondements nécessaires à la pérennité de cette impulsion artistique.
Il faut comprendre que l’Art Nouveau est née d’une nécessité de renouer avec les changements sociaux et culturels qui déferlaient à grand galop à travers le 19ème siècle et dont l’art avait perdu le fil. La volonté des artistes de rompre les liens avec les modèles du passé et de participer à la construction des temps modernes était une urgence et donc on voyait en ce court laps de temps et aux endroits les plus divers à travers le monde, émerger des mouvements qui en dépit de la même volonté adoptaient des langages très différents. Même au sein d’une école spécifique, des concepts complètement différents pouvaient coexister.
 

Parmi les pôles créateurs les plus importants, on peut citer Nancy, Bruxelles, Glasgow, Barcelone, Munich, Darmstadt, Weimar et Vienne. Ce qu’est significatif est que l’Art Nouveau s’est surtout développé en dehors des grandes capitales culturelles de l’époque.

 

A Nancy c’est Emile Gallé (1846-1904) qui s’imposa comme l’initiateur et maître du mouvement. A la fois céramiste, maître verrier et ébéniste, il imprégna son oeuvre, tout au long de sa vie, de sa passion pour les botaniques. Jouissant déjà d’une grande réputation, il fonda en 1901, avec ses collaborateurs Auguste Daum (1864-1930), Louis Majorelle (1859-1926) et Eugène Vallin (1856-1922) l’Ecole de Nancy, aussi dénommée “Alliance provinciale des Industries de l’art”.

 

Glasgow était à l’époque une ville en plein expansion industrielle et peu encline à une quelconque sensibilité artistique. Pourtant cette ville située à la périphérie de l’Europe, aura à travers le personnage de Charles Rennie Mackintosh (1868-1928), son représentant de l’Art Nouveau. Mackintosh et ses collaborateurs, sa femme Margaret Macdonald (1865-1933), la soeur de cette dernière, Frances (1874-1921) et son mari Herbert Mac Nair (1868-1928), représentaient à eux quatre l’école de Glasgow. Mackintosh resta tout au long de sa vie fidèle à sa ville, mais n’y eut jamais la consécration dont il jouissait à travers le reste de l’Europe.

Bruxelles avait été marqué par les personnages de Victor Horta (1861-1947) et Henry van de Velde (1863-1957), et peut se vanter, surtout à travers l’oeuvre de Victor Horta, d’avoir un des plus riches patrimoines architecturaux Art Nouveau de l’Europe.
Si le travail de Horta reflétait une influence de l’école française, à travers son travail sur l’acier et aussi à travers la richesse ornementale des intérieurs, Henry van de Velde était lui conditionné par le travail du peintre, écrivain et théoricien politique anglais William Morris (1834-1896). Trop doctrinaire au goût des belges, c’est en Allemagne que van de Velde trouvera son travail réellement honoré.

Antoni Gaudi (1852-1926) marqua à lui seul la ville de Barcelone de l’époque avec comme oeuvres fameuses l’église inachevée de “La Sagrada Familia” ou encore le Parc “Güell. Jouissant d’une grande liberté artistique grâce à la générosité de riches mécènes, Gaudi développa un style personnel et audacieux qui suscita beaucoup de polémique à l’époque, mais il su également intégrer à ses oeuvres des traits auxquels son publique catalan pouvait s’identifier. Étant devenu le symbole de l’Indépendance nationale catalane, il profita d’un grand respect et d’une grande popularité de la part des catalans, néanmoins la fin de sa vie fut marquée par un total isolement social.

Les villes allemandes qui marquèrent l’Art Nouveau étaient surtout Munich, Darmstadt et Weimar. Sous la dénomination “Jugendstil” ce fut d’abord à Munich que se développa le mouvement dont les personnalités marquantes étaient Hermann Obrist (1862-1927), Bernhard Pankok (1872-1943), Richard Riemerschmied (1868-1957) et Bruno Paul (1874-1968). En 1897 sont fondés, toujours à Munich, les “Vereinigten Werkstätten für Kunst und Handwerk”.

A Darmstadt et à Weimar le mouvement fut, contrairement à Munich, initié par le pouvoir que représentaient respectivement, le Grand Duc de Hessen Ernst-Ludwig et le Grand Duc de Türingen Karl-Alexander. Darmstadt se démarqua par l’exposition de 1901 dénommé” Ein Dokument deutscher Kunst”, initiative personnelle de Grand Duc et dont se démarquèrent les artistes Joseph Maria Olbrich (1867-1908) qui par la suite et sous la demande de Ernst-Ludwig, s’installera définitivement à Darmstadt pour y accomplir la majeur partie de son oeuvre, et Peter Behrens (1868-1940) originaire de Hambourg, pour qui l’exposition de Darmstad ne fut qu’un passage et le tremplin pour une grande carrière à travers l’allemagne.

Weimar, aspirant également à la modernité fit venir le belge Henry van de Velde dont la réputation n’était plus à faire. La ville de Goethe et Schiller espérait bien sûr aussi, à travers un tel nom, promouvoir l’artisanat locale et donc en profiter économiquement.

Vienne fait, dans le paysage de l’Art Nouveau figure d’exception, car étant capitale européenne d’un premier ordre politico-culturel, elle n’avait pas sa réputation à faire. Le mouvement, marqué à travers des noms comme Otto Wagner (1841-1918), Adolf Loos (1870-1933) et Josef Hoffmann (1870-1956), n’y fut non pas ressenti comme un renouveau révolutionnaire, mais comme une continuité logique d’une ville en pleine évolution vers les temps modernes.

Avec un pied dans le passé et l’autre dans l’avenir, L’Art Nouveau, parsemé d’Antagonismes et construit de Contradictions, n’aspirait sûrement pas d’être une pure école de style, mais le reflet d’une époque en plein changement. Violente, passionnée, juvénile, elle laissait à ses successeurs d’approfondir, de purifier et d’emmener à maturité son héritage.

Au début de ce nouveau millénaire ou notre culture se voit confronté une nouvelle fois à un bouleversement fondamental de ses structures, ce n’est peut être pas un hasard, que l’Art Nouveau nous fascine de nouveau. Ayant été mouvement charnière entre deux époques, elle peut nous être source d’inspiration pour affronter l’avenir.